La séparation du petit matin
L'autre matin, au moment précis où j'ai tenté de lui enfiler son manteau, il s'est fait tout mou : impossible de glisser son bras dans sa manche. Ernest est devenu pantin. J'ai tenté de négocier. Il se débattait. Criait. J'ai insisté, lui attrapant l'autre bras. Rien à faire. Alors je l'ai laissé à terre, le poussant doucement, mais le poussant pour qu'il ne reste pas allongé devant la porte. Faisant mine de partir sans lui finalement.
En voyant ma feinte, j'ai lu dans ses yeux la détresse, cette peur que je connais mais que j'utilise parce qu'à un moment il faut trouver un moyen de pression. L'heure tourne...
Je n'ai pas aimé le pousser. J'ai détesté son regard qui m'a fait du mal, le regard qui me démontre que je me plante dans ma manière d'agir. Je l'ai su au moment où nos yeux se sont croisés. Je l'ai porté longtemps après et je le porterai longtemps.
Je lui ai enfilé son blouson sans protestations cette fois-ci et nous sommes sortis de la maison, de grosses larmes coulaient encore de ses yeux.
Je me suis accroupie, mise à sa hauteur. Lui ai fermé son duffle-coat, le regardant dans les yeux. Mes mains sur ses joues, j'ai essuyé ses larmes avec mes pouces. j'ai déposé un petit baiser léger sur le bout de son nez, l'ai serré fort dans mes bras. A mon tour j'ai senti mes larmes couler.
Je t'aime Ernest. Je ne veux plus de mes maladresses du matin parce que je suis en retard. Je ne veux plus m'énerver, me fâcher, crier parce que le temps passe. Oui il passe et c'est ce que nous vivons tous les deux (trois, quatre) qui me nourrit chaque matin de bonheur et qui me permet de vous retrouver sereine, le soir.
Il n'y a rien qui brise davantage ma journée qu'une séparation loupéee du petit matin avec l'un de vous trois. La vie est bien trop belle et trop rapide pour laisser les larmes s'imprimer sur nos souvenirs quotidiens.