La dernière fois que je compte les mois. Il en a 23.
C'est la dernière fois que je citerai l'âge d'un de mes enfants en mois.
Les mots explosent: de répétition en répétitions, on s'amuse de la difficulté dénoncer : "C'est qui ça Maman?" "un radis" "radis""une endive""ive?"et inlassablement de tenter de reformuler les plus compliqués.
Ernest est devenu Nénenne, Octave est le Toto de la famille.
Bien sur, même s'il reste mon petit dernier à jamais, je suis bien consciente qu'il est désormais un petit garçon et plus un bébé.
Pourtant, j'ai le sentiment de partager toujours son souffle. Je le ressens encore comme un bout de moi. Son doudou est mon foulard qu'il me glisse dans le décolleté tous les matins pour attraper mon odeur, il accourt vers moi dès qu'il aperçoit un bout de nudité et me réclame "câlin" en enlevant son tee-shirt pour se coller à ma peau.
Malgré son air angélique, Ernest est bien loin d'être au top de la douceur : il est le roi de la colère et du mauvais caractère. On ne peut toujours pas le changer sans se faire frapper à grand coups de pieds et de hurlements. Combien de fois par jour arrache-t-il des mains de son frère un jouet/un livre en criant : "C'est à Nénenne ça!", pleurant qu'il veut telle ou telle chose.
J'ai appris ce soir même qu'il avait fait un spasme du sanglot à la crèche en se mettant en colère. Certains jours (sans doute ceux où il est fatigué), il refuse que d'autres enfants l'approchent, alors si en plus ils décident de lui emprunter ses jouets c'est la crise assurée. Hurlement silencieux, bouche béante, lèvres bleues et si on ne lui souffle pas sur le visage, ça peut vite tourner au vinaigre...
Ernest ne marche pas, il court, tout le temps. Fait du vélo, de la patinette, de la draisienne. Ne mange pas de viande sans sauce. Termine toujours ses repas les mains dans le verre, écrasant les restes de son assiette entre les doigts. Adore le pain. Petit déjeune plus que son frère (biberon de 300ml de lait entier et chocolat, fine tranche de baguette et beurre salé fermier, quelques morceaux de fruits), signe l'arlarme de la fatigue en ne supportant aucune espèce de frustration. Dort deux siestes de deux heures le week-end mais peine à en faire une vraie à la crèche. Veut des baisers et encore des baisers, en offre de goulus qu'il faut cadrer
Ernest est un Charnel, un excessif. Tout passe par les sensations. Pour aimer tourner des pages, il faut voir des animaux ou les toucher. Il faut rire aux éclats ou chanter. D'ailleurs la musique et la danse sont capitales. Il se promène toute la journée avec le Dokéo qui braille toutes les comptines. Encore aujourd'hui on l'apaise en chansons.
Nos petits bouts de conversation me font frissonner d'émotion. Enfin (depuis hier soir), Monsieur envisage de s'assoir sur le pot. Et TOUT LE MONDE doit applaudir, y compris Le Chat qui se fait vraiment engueuler si jamais il ne manifeste pas sa joie. Dans le même temps nous entendons également des "Oui" quand on le dispute et quand on lui demande s'il a bien compris.
Si avec Papa c'est "la bagarre de chatouilles" avec Maman c'est le câlin sur le canapé avec les cheveux à tortiller. Les nuits sont enfin calmes et paisibles même si de temps à autre la perte de la tétine engendre des hurlements désespérés. Le matin, s'il ne dort pas avec son frère, on peut espérer se réveiller vers 8h, aller le chercher dans son lit et le trouver souriant, plaisantant mais réclamant très vite son "biberon".
Si une part de moi (que je refoule) a le coeur brisé de voir son bébé grandir, l'autre part se réjouit de cette autonomie gagnée de jour en jour et de ce calme (relatif) acquis.
Mon petit de 23 mois, quel chouette enfant tu es...